Quand l’Iran anéantit Israël… dans un dessin animé

L'image de la mort de Neda Agha-Soltan : un symbole mondial de la résistance en Iran.

La guerre est déclarée entre l’Iran et Israël… mais seulement dans un film d’animation 3D. Plusieurs films montrant la destruction de l’État d’Israël par l’Iran circule actuellement sur internet. Et le mystère reste entier sur les producteurs de ces films à gros budget.

La guerre est déclarée entre l’Iran et Israël… dans un film d’animation 3D. Sur Internet, plusieurs films montrant la destruction de l’État d’Israël par l’Iran circulent actuellement. Et le mystère reste entier sur les producteurs de ces films à gros budget.

Sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, le gouvernement iranien avait incité les productions culturelles sur le thème de la destruction de l’État d’Israël, que ce soit dans des poèmes, des peintures, des romans ou encore des dessins animés. L’ancien président avait d’ailleurs suscité la polémique sur la scène internationale en niant la réalité de l’Holocauste et en affirmant qu’Israël devrait être “rayé de la carte”.

 

Certains de ces dessins animés ont été produits durant le mandat d’Ahmadinejad, de 2005 à 2013, mais d’autres ont été créés depuis. Une douzaine de films de qualité variable est visible sur la Toile. Impossible de dire précisément qui est derrière ces films 3D à gros budget, principalement diffusés sur des chaines de télévision conservatrices en ligne. Dans la plupart d’entre eux, Israël attaque d’abord l’Iran mais se retrouve ensuite envahi puis battu par son rival.

“Je pense qu’ils font des films d’animation 3D pour répondre aux jeux vidéos occidentaux où l’Iran est désigné comme l’ennemi à abattre”
Le réalisateur iranien Ali Fatehi vit à Paris. Il a fui l’Iran après les élections contestées de 2009 et la répression qui a suivi.

Ces films ont commencé à apparaître il y a cinq ans, quand les pays occidentaux ont commencé à multiplier des jeux vidéo où l’Iran était l’ennemi à abattre. Et comme l’Iran n’a pas la technologie pour faire de tels jeux vidéo, il semblerait qu’ils ont décidé de faire ces films d’animation 3D en réponse. Dans une scène du film “Le message de Rachel Corrie”, on peut voir un tank iranien rentrer dans Tel Aviv et écraser une publicité pour le jeu vidéo Battlefield 3 [un jeu vidéo où le joueur incarne un soldat américain qui se bat dans plusieurs pays, dont l’Iran, NDLR].

Ces dessins animés, destinés aux plus jeunes, ne mentionnent pas que l’Iran : ils font référence à “l’armée unie de l’islam”. Dans le film “Le message de Rachel Corrie”, ils ont d’ailleurs renommé l’aéroport de Tel Aviv “Aéroport de la martyre Rachel Corrie”. Ces films ne sont pas juste faits pour défendre l’Iran, le sujet est clairement l’islam et la guerre sainte. Pour moi, c’est une façon de promouvoir les idées ultraconservatrices et le djihad auprès des plus jeunes.
On a très peu d’information sur les auteurs de ces films d’animation. Dans le générique, les noms qui apparaissent sont quasi-inconnus dans l’industrie des films. Certains affirment qu’ils sont des étudiants, et qu’ils ont fait ces films pour s’amuser, mais je trouve ça difficile à croire vu ce que ça coûte de faire des films d’animation de cette qualité. Ces derniers ont en plus des sites très professionnels en arabe, persan, anglais et même français.

Certains studios d’animation 3D cités dans le générique ont également des liens avec le Hezbollah au Liban. Par exemple, l’un d’entre eux, Nasr TV sur sa page Facebook en arabe publie plein de vidéos sur le Hezbollah. Ils y expliquent qu’un de leurs dessins animés anti-Israël a été diffusé au Liban et a reçu les louanges du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Je pense pour ma part que les Gardiens de la Révolution, organisation paramilitaire de la République islamique d’Iran chargée entre autre de la propagande et qui entretient des liens étroits avec le Hezbollah, ont probablement financé ces dessins animés. Cependant, on n’a aucune preuve tangible de leur implication.

Ce qui est certain en revanche, c’est que ce sont des dessins animés de propagande. Artistiquement, il n’y a rien à en tirer, rien non plus à retenir en matière de scénario et de dialogues. Les réalisateurs iraniens les plus célèbres ne participent pas à la propagande, ce travail est clairement issu de personnes beaucoup moins talentueuses qui, grâce à leurs relations avec les instances les plus conservatrices du pays, peuvent avoir accès à des fonds pour financer leurs films d’animation.

Des dessins animés à contre-courant ?
Ces films d’animation semblent pourtant en contradiction avec la récente politique étrangère iranienne : le nouveau président élu en juin 2013, Hassan Rohani, a insufflé un nouveau style, n’hésitant pas à souhaiter un joyeux « Rosh Hashana » aux juifs du monde entier. Son ministre de l’intérieur n’a pas non plus hésité à rappeler sur Twitter à la fille de l’ancienne porte-parole de la Maison blanche, Nancy Pelosi, que “l’homme [qui a nié l’holocauste] est parti”.
Le président iranien ne concentre cependant pas tous les pouvoirs en Iran. Le leader suprême ultraconservateur Ali Khamenei peut notamment nommer et contrôler les représentants de la Garde révolutionnaire. Ces contradictions peuvent expliquer les divergences entre la position d’apaisement de Rohani et le fait que des dessins animés comme celui-ci continuent d’être produits.

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